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Et les mistrals gagnants: quand les enfants malades prennent la parole

Lu sur le site de Famille Chrétienne:


EXCLUSIF MAG – Anne-Dauphine Julliand, mère de famille, a découvert l’expérience de la maladie à travers celle de sa fille Thaïs. Dans son documentaire Et les mistrals gagnants, elle donne la parole à des enfants malades. Moments de grâce.


Repères

Anne-Dauphine Julliand a écrit :

– Deux petits pas sur le sable mouillé, J’ai Lu, 2013, 249 p., 6 €.

– Une journée particulière, J’ai Lu, 2014, 221 p., 6,70 €.


Pourquoi avoir tourné ce film ?

Ce film est né de mon expérience personnelle, de ma découverte de la maladie et de la façon dont les enfants malades conçoivent leur existence, sans être ébranlés par l’arrivée d’une mauvaise nouvelle ou d’une épreuve. Cette conception de la vie a été pour moi une grande source d’inspiration. Je me suis moi-même calée sur les pas de ma fille pour arriver à surmonter l’épreuve de sa maladie.

Puis, en côtoyant d’autres enfants malades, j’ai réalisé que ce n’était pas uniquement elle qui avait réagi comme ça, mais que c’était le propre de l’enfant. J’ai donc eu envie de faire ce documentaire en leur donnant la parole, pour qu’ils nous confient leur vision de l’existence et nous aident à retrouver notre âme d’enfant.


Que nous disent-ils exactement ?

Les enfants savent que la vie est faite de bons moments et de moments douloureux. Ils sont conscients que la maladie, le mal, la mort existent, mais ça ne les empêche pas de continuer à aimer la vie. Ils souffrent, mais ne s’apitoient pas sur leur sort. Lorsque le moment délicat est terminé, la peur, la douleur s’arrêtent en même temps, ils sont capables d’accueillir l’instant qui suit, la joie, les rires. Pour eux, ce qui se passe est circonscrit dans l’instant.


Cette conception de la vie ne dépend-elle pas de l’éducation ou de la foi reçues ?

Non, c’est indépendant de cela. C’est une sagesse instinctive. Dans tous les pays du monde, même touchés par la faim, la guerre, les grandes catastrophes, les enfants continuent à jouer au foot. Ceux que j’ai filmés dans mon documentaire ont des pathologies différentes, des styles de vie différents, mais tous ont ce même rapport à la vie.


Comment retrouve-t-on cette âme d’enfant ?

Tout est dans la conception que l’on a de sa vie. Il faut avoir le sentiment que c’est la nôtre, qu’elle est unique et qu’elle est une succession d’instants présents à vivre les uns après les autres. Il faut veiller à ce que les événements qui viennent la bouleverser n’en contaminent pas tous les aspects, ne pas s’apitoyer sur ce qu’on a vécu de douloureux, ne pas craindre le futur. Et réinvestir l’instant présent qui est le temps de l’homme. Vivre l’instant présent, c’est se débarrasser de ses peurs, de ses obligations de résultat.


Comment s’est traduite cette nouvelle façon de concevoir la vie dans l’éducation que vous avez donnée à vos enfants ?

Avant, je projetais mes enfants dans l’avenir, j’avais peur pour eux. J’avais tendance à vouloir tracer leur route, à tout prévoir. Aujourd’hui, je me dis : « Profite de ce moment où il n’y a pas de peine. » La maternité et la paternité sont les plus grands lâcher-prise auxquels nous sommes appelés. La promesse que nous faisons à notre enfant lorsqu’il vient au monde n’est pas de vivre jusqu’à 100 ans, de faire une grande école, ou d’épouser tel homme ou telle femme extraordinaire, mais de le rendre heureux et de l’accompagner pas à pas tout au long de son chemin.


Vous êtes catholique, mais n’abordez pas le sujet sous l’angle de la foi, pourquoi ?

Je me suis totalement effacée pour donner la parole aux enfants. Je n’ai pas voulu aller au-delà de cette parole. Je transmets juste leur message. Dieu est au centre de ma vie, mais je pense que ceux qui ne croient pas peuvent avoir la même démarche que la mienne, sauf qu’ils ne Le nomment pas. C’est une confiance en la vie, une forme d’abandon, qui est le cœur de l’espérance. La grandeur de Dieu est de s’être inscrit dans la nature humaine.


Comment avez-vous choisi les enfants ?

Je suis passée par des réseaux de confiance tissés au cours de mon expérience personnelle, des équipes médicales, de soignants ou des associations comme Le Petit Prince qui m’a permis de rencontrer Charles. Je n’ai pas fait de casting, j’ai choisi les enfants que l’on m’a présentés. Évidemment, je souhaitais une certaine complémentarité. Pour que ce soit universel, il ne fallait pas qu’ils soient tous issus du même milieu, du même hôpital, avec la même pathologie. Mais je n’ai coché aucune case !


Quels messages vous ont le plus touchée ?

Quand Tugdual nous dit : « Rien n’empêche d’être heureux », ce n’est pas un petit garçon qui est dans sa cour de récré, qui vit dans le monde merveilleux des Bisounours, c’est un petit garçon qui a un lourd parcours de soins depuis l’âge de 2 ans. Et ce n’est pas une phrase qu’on lui a répétée et qu’il a fini par digérer, c’est une conviction absolue. Quand Camille affirme qu’il sera guéri quand il sera mort, il nous dit que la mort fait partie de la vie. Quand Imad précise : « Pour moi, c’est pas difficile, mais je sais que pour vous c’est difficile », ou quand Charles déclare : « Hakuna Matata » qui signifie « pas de souci », ces enfants expriment avec leurs mots qu’ils sont capitaines de leur âme en dépit de leur situation difficile.

Ambre résume tout en rappelant que l’important est d’être aimé. Tout ce qui nous rend heureux, quelles que soient les circonstances de notre vie, c’est quand on est aimé. Quand on a la foi, on est heureux quelle que soit notre vie, car on sait qu’on est aimé de Dieu ; sentir cet amour au cœur de notre vie, c’est ce qui fait qu’on se sent invincible.


Qu’apprend-on de la maladie ?

L’épreuve nous offre la possibilité de grandir, de dire oui à la vie. Le long fleuve tranquille ne pousse pas à s’interroger. Finalement, on subit plus sa vie quand on n’a pas à y adhérer. À l’âge adulte bien sûr, puisque pour les enfants c’est spontané. Quand on a été éprouvé, on devient des passeurs de messages, non pas pour témoigner de notre souffrance, mais pour montrer qu’à travers elle on a redécouvert le sens de la vie.   



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