Les enfants et les écrans : comment canaliser leur frustration ?
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EXCLUSIF MAG - La régulation des heures de portable peut apprendre au jeune adolescent à maîtriser sa frustration, d’après le psychothérapeute Didier Pleux, auteur de Développer le self-control de ses enfants (Odile Jacob).
Pourquoi les parents ont-ils tant de mal à réguler la gestion des écrans ?
La génération des parents a subi une éducation imprégnée de Françoise Dolto, et eux-mêmes considèrent la frustration comme une castration. Or la frustration, c’est simplement dire : « Je ne peux pas faire tout ce que je veux tout le temps » et « Je ne suis pas tout seul ». Contrairement à la télévision et à l’ordinateur, l’adolescent porte son portable sur lui, comme un vêtement. Il lui permet de vivre sa propre vie, notamment d’échapper à la famille et aux échanges relationnels.
C’est un cas extrême, mais je viens de recevoir une maman qui avait régulé le temps passé de son jeune adolescent sur le portable, car ses notes diminuaient, et il s’est plaint au commissariat pour maltraitance… Il faut expliquer aux enfants que le portable est un outil de communication, pas un droit inaliénable.
Les parents peuvent-ils aller jusqu’à supprimer les écrans dans certains cas ?
Oui, quand un adolescent n’est pas capable de piloter son écran tout seul, par exemple quand il surfe sur un site djihadiste ou pornographique. L’ambiance générale est à l’empathie envers son enfant, mais les parents ont aussi le droit de lui déplaire et de le contraindre.
Avec un enfant autonome, qui utilise son téléphone pour envoyer des messages à des amis, l’organisation du temps d’utilisation des écrans ne pose pas de problème.
Le problème concerne les enfants fragiles, peu tolérants aux frustrations ou influençables. Sans médiation adulte, ils vont sur des sites d’immédiateté ou jouent des heures à des jeux vidéo, dans l’assouvissement d’un principe de plaisir immédiat. Si le jeune abuse ou s’il navigue sur des sites interdits aux mineurs, pourquoi lui laisser le portable ?
Si on lui supprime son smartphone, il pourra consulter Internet chez un ami, ce qui revient au même.
Il le fera, mais ailleurs, et sans l’aval des parents, ce qui fait toute la différence, car il sait alors qu’il passe outre une interdiction.
En quoi consisterait un « code familial de bonne conduite » concernant le smartphone ?
Ce serait un contrat décidé par les parents, qui préciserait le temps octroyé au portable, à l’image des heures de sorties. Donner un portable à volonté implique une autorégulation, mais un enfant de 11-12 ans laissé à lui-même va-t-il se diriger naturellement vers un site intelligent ? Les sollicitations sexuelles, par exemple, sont nombreuses sur Internet, et des camarades mal intentionnés sont ravis d’expliquer aux novices comment se connecter sur ces sites.
Une fois régulées les plages horaires d’accès à Internet, comment les aider à gérer la frustration ?
Il faut s’y prendre tôt, sinon c’est la guerre incessante. Frustrer n’est pas sanctionner, priver de liberté ou piquer des colères ; c’est, en amont, augmenter le seuil de tolérance de son enfant, en lui apprenant à donner de sa personne. Aide-t-il à la maison, participe-t-il aux repas, s’occupe-t-il de son linge ? S’il n’a pas d’horaires réguliers, pas de devoirs à faire et est nourri quand il le souhaite, comment pourrait-il soudainement accepter une privation totale de portable ?
Les parents doivent apprendre à leur enfant le principe de réalité et le sens de l’effort, à ajuster en fonction de l’âge. On peut lui autoriser l’accès d’Internet après en avoir parlé avec lui et lui avoir demandé dans quel objectif il entend le faire. En aval, la répression et l’artillerie lourde ne règlent pas, hélas, le problème de fond.
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