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En marche vers PMA pour tous : réaction de Caroline Roux de l'Alliance VITA

Ce 27 juin, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a rendu son verdict : désormais, il est « éthique » qu’un couple de femmes ou des femmes célibataires demandent une Procréation médicalement assistée (PMA). Qu’en est-il du bien de l’enfant devenu une marchandise disponible pour le plus grand nombre ? Vers quelles dévives allons-nous ? Réaction de l’Alliance VITA qui œuvre depuis des années pour le respect de tout être humain, à travers la voix de Caroline Roux, déléguée générale adjointe d’Alliance VITA & coordinatrice des services d’écoute.


Pouvez-vous nous réexpliquer la décision du CCNE de ce 27 juin ?

Caroline Roux : Le Comité d’éthique a rendu un avis sur « les demandes sociétales » de recours à l’assistance médicale à la procréation. Il propose d’autoriser l’insémination artificielle avec donneur anonyme (IAD) aux femmes seules ou en couple de même sexe, alors que cette possibilité est aujourd’hui réservée à des couples homme-femme confrontés à une stérilité médicalement constatée. Cette position est loin d’être consensuelle, puisqu’un quart des membres a exprimé une position divergente.

Les justifications sont alambiquées et révèlent un malaise. Tout en reconnaissant qu’une telle mesure « modifie profondément les relations de l’enfant à son environnement familial », le CCNE considère que l’IAD « peut se concevoir pour pallier une souffrance induite par une infécondité résultant d’orientations personnelles ». Il estime que cela n’impliquerait pas de violence dans les relations entre les différents acteurs. Or, priver délibérément un enfant de père et instrumentaliser les hommes, en les réduisant à des donneurs de gamète, constituent une forme de violence humaine et sociale sur laquelle le Comité fait une totale impasse.


Quelles pourraient être les conséquences d'une telle mesure ?

C’est la porte ouverte au « droit à l’enfant » au détriment des droits de l’enfant. Comment le CCNE peut-il être aussi décalé des réalités douloureuses vécues par des enfants privés accidentellement de pères et par des femmes qui élèvent des enfants seules ? La société se mobilise et exerce une solidarité (humaine, financière…) pour pallier l’absence de père, une difficulté qu’on ne peut éluder et qu’il faut accompagner. Institutionnaliser la privation délibérée de père, c’est condamner les enfants à une double peine : en plus de les priver d’une partie de leur origine biologique, c’est les priver volontairement de toute relation paternelle. Le Comité met en avant l’autonomie des femmes pour se justifier. Or en ce domaine le critère d’autonomie des femmes, ni d’ailleurs celui des hommes, n’est pas pertinent. C’est dans l’altérité sexuelle uniquement que peut surgir un enfant. C’est une véritable maltraitance originelle et un abus de pouvoir que l’on infligerait ainsi aux enfants, en troublant cette double filiation paternelle et maternelle.

Sans compter que céder à ces revendications ultra-minoritaires ne peut qu’enclencher un effet domino : comment empêcher la revendication d’hommes d’accéder à la GPA, au nom de la « non-discrimination » ?


Comment peut-on agir pour lutter contre la promulgation de cette loi ?

Nous n’en sommes pas à la promulgation d’une loi. D’ailleurs, le CCNE appelle au préalable à « construire le débat social, notamment lors des états généraux de révision de la loi relative à la bioéthique, en 2018 ». Il nous appartient de ne pas laisser les consciences anesthésiées. Révéler la vérité aux Français sur la réalité que recouvrent ces pratiques est prioritaire. En réalité, le Comité perd beaucoup de sa légitimité en mettant ainsi de côté les droits de l’enfant. C’est aussi une complète inversion du rôle des médecins dont la mission est de soigner, et non d’être des prestataires au service de demandes individuelles qui n’ont rien à voir avec la prise en charge de pathologies réelles. De plus, beaucoup de points demeurent en suspens, notamment la question du remboursement ou non par notre système social.

Plus globalement nous ne devons pas laisser le débat être accaparé par des revendications toujours plus transgressives : le véritable enjeu bioéthique autour de la procréation concerne le traitement et la prévention de l’infertilité, parent pauvre des politiques sanitaires, qu’il faut encourager. Des experts s’alarment du trop grand nombre d’enfants nés par PMA en Europe, et alertent sur un élargissement démesuré du recours aux techniques artificielles, y compris parfois en cas de chance raisonnable de conception naturelle ou encore en l’absence de justification précise. Or ces techniques qui comportent des enjeux éthiques majeurs ne soignent pas les couples de l’infertilité ou de la stérilité, mais ne sont qu’un palliatif.


Hors de la France, quelle influence peut avoir ce texte ?

C’est clairement encourager un marché de la procréation. La rareté des donneurs de gamète est un « point de butée », comme l’exprime le CCNE, qui s’accompagne d’un risque de marchandisation accrue pour trouver des gamètes. C’est totalement antinomique avec la tradition éthique française de non-marchandisation du corps humain et de protection des enfants. Comme avait conclu le Conseil d’État il y a quelques années, la France n’a pas à s’aligner sur le « moins-disant éthique ».

Après une telle mesure qui semble nier les droits des enfants, pourquoi le CCNE refuse-t-il l’autoconservation des ovocytes et la légalisation de la gestation pour autrui ?

Le Comité a donné un avis défavorable à l’autoconservation des ovocytes par des femmes jeunes en vue de procréer éventuellement plus tard. Il met en avant qu’une telle mesure n’est pas défendable compte tenu des risques médicaux et des pressions sociales et professionnelles que cela implique. S’ajoute l’absence de garantie des résultats, c’est-à-dire la probabilité que l’enfant envisagé arrive à la naissance au moment où les femmes le décideront, plus tard. Le Comité recommande plutôt que la société facilite la maternité chez les femmes jeunes qui le souhaitent, pour permettre « d’allier emploi, évolution de carrière et qualité de vie familiale ».

Concernant la gestation par autrui, le CCNE se dit attaché aux principes qui justifient l’interdiction de la GPA, souhaitant un renforcement des moyens de prohibition au niveau national et international. Il rappelle très justement que « le désir d’enfant ne peut constituer “un droit à l’enfant” justifiant la pratique de la GPA ». Mais si cet argument est valable pour la GPA, pourquoi ne s’applique-t-il pas aussi à la PMA pour les femmes hors contexte d’infertilité médicale ? On le constate : il s’agit de deux poids, deux mesures, qui seront à terme intenables, si on ne s’appuie pas sur une anthropologie solide, qui assure en l’occurrence le droit pour tout enfant de se voir reconnue une filiation biologique paternelle et maternelle. Les enfants ne sont ni des êtres « hors sol », ni « hors corps » de leurs parents.


Que compte faire Alliance Vita dans ce contexte ?

Cette question de la PMA exerce une pression artificielle démesurée sur nos concitoyens : c’est une revendication ultra-minoritaire. Il ne s’agit pas de la préoccupation première des Français, qui attendent le gouvernement sur leurs préoccupations profondes liées à la sécurité, au chômage, à la pauvreté… Mais si le gouvernement entend légiférer sur cette question, nous sommes prêts à nous mobiliser. Et y compris à redescendre dans la rue avec des Français de toutes les sensibilités politiques et philosophiques, sur la base d’un collectif le plus large possible. Comme le souligne notre délégué général Tugdual Derville, la défense du droit de l’enfant, contre l’idée d’un « droit à l’enfant », est un impératif d’écologie humaine qui transcende tous les clivages. L’État doit assurer la protection du plus fragile contre la loi du plus fort. Protéger les enfants de la PMA sans père, c’est aussi les protéger de la GPA à terme.


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