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Couple: pas d'amour sans tendresse

Lu sur le site de Famille Chrétienne:

EXCLUSIF MAG – À l’occasion de la sortie de notre nouveau Hors-Série, Catherine Bernard, conseillère aux Équipes Notre-Dame, nous rappelle à quel point la tendresse est la grande oubliée des couples «métro-boulot-dodo». Or, tout autant que la sexualité, elle est le ciment de l’amour conjugal.


Comment définiriez-vous la tendresse ?

C’est une manifestation de notre affection ou de notre amour à une autre personne. Elle se concrétise par le corps et plus spécifiquement par le toucher. Le contact peau à peau offre des sensations et provoque des réactions que le cerveau interprète comme des marques d’amour.

D’autres organes bien sûr permettent d’exprimer cette tendresse: la voix, le regard... Mais la peau est notre deuxième cerveau disent les neurologues, voilà la raison pour laquelle les caresses, les massages, le contact des corps sont si importants dans un couple. La peau abrite des capteurs qui, moins on les stimule, plus ils s’endorment.


L’usage de la sexualité ne suffit pas à cimenter un couple ?

Si dans un couple le rapprochement des corps se limite à celui des parties génitales, sa sexualité est bien pauvre. La tendresse est indispensable dans l’union sexuelle. Mais aussi pour dire à l’autre « je t’aime » au quotidien. Une des lois de l’amour est qu’il doit s’exprimer de façon régulière. Tous les jours, plusieurs fois par jour, nous avons à signifier à l’autre qu’il est singulier. L’expression de l’amour ne peut être réservée au moment des vacances ou à des circonstances exceptionnelles...

La tendresse est le contraire de l’indifférence. Mais aussi de la froideur, de l’absence de gestes et de paroles d’amour qui s’apprennent tout petit, essentiellement par la mère ou celle qui en tient lieu. Certaines personnes qui en ont trop peu reçu ont du mal à en donner.


Est-il juste de penser que la tendresse est une qualité plus féminine ? Et alors, comment l’homme, lui, exprime-t-il sa tendresse ?

La tendresse une qualité plus féminine? C’est faux. Je rencontre des femmes qui ne savent pas être tendres, et qui justement, les yeux pleins de larmes souvent, reconnaissent que leur propre mère ne l’était pas. Et je vois régulièrement des hommes qui sont plus tendres que leur épouse.

Ce que dans ce domaine l’on peut ressentir comme spécifiquement masculin (ou féminin) vient plutôt de l’héritage familial ou culturel, avec des phrases du type « Un homme ne montre pas ses émotions, ce n’est pas viril ». Parfois, l’attitude de l’un ou de l’autre peut être une tentative d’adaptation ou une défense après un vécu traumatique. Mais je ne crois pas que l’on puisse dire qu’il y ait une façon masculine ou féminine d’être tendre.


Est-ce que être tendre c’est être gentil ?

Être gentil cela signifie que je veux tellement être aimé(e) que je suis prêt à tout pour mon conjoint ? Y compris en fusionnant avec lui, en me perdant dans ses attentes ? C’est une posture dangereuse. Au bout d’un moment, celui qui l’adopte perd ses repères, son identité. Il ne sait plus ce dont il a lui-même besoin, puisqu’il est tout entier, intégralement, dans un désir qui n’est que celui de l’autre.

Il lui faut dès lors apprendre à dire non, à se respecter, à poser des limites pour sortir de cette mésestime de soi. Et si besoin en se faisant aider par un thérapeute.


À l’inverse, la tendresse ne risque-t-elle pas parfois de relever de la manipulation ?

Oui, la tendresse peut être intéressée, voire manipulatrice... Mais attention à ne pas dramatiser: poser tel ou tel geste plus ou moins manipulateur, pas totalement inscrit dans la pureté de l’amour, ne fait pas de nous un manipulateur au sens strict. Mais si cela devient un mode de fonctionnement systématique, alors oui, il y a un réel danger.


Quelle place la tendresse a-t-elle dans la vie d’un couple, par rapport à la sexualité par exemple ?

La tendresse est un langage, elle doit s’exprimer tout au long de la journée, et des journées les unes après les autres. Nous sommes des êtres sexués: j’engage mon corps d’homme ou de femme dans tous les gestes du quotidien. Et le sommet de l’engagement, bien sûr, est la relation sexuelle, où les corps se donnent et se reçoivent totalement. Mais elle ne sera satisfaisante et épanouissante que si elle est portée par une journée, par des journées riches de toutes les autres formes de relation, dont la tendresse.

Quand j’accompagne des couples, je leur demande comment leur maison est organisée, comment les territoires sont partagés, y compris dans le lit conjugal. Y a-t-il une zone de contact, de rencontres tendres où l’on peut être très régulièrement tout contre l’autre, peau à peau ? Ou bien chacun dort-il de son côté, dans deux chambres séparées ? Et même en dormant ensemble dans un seul lit il est tout à fait possible d’être en fait séparés.

La tendresse est un langage, il est bon qu’elle s’exprime de façon habituelle, spontanée, au long de nos journées.

Il m’arrive de recevoir même des jeunes couples qui ne dorment pas ensemble, en avançant des arguments pertinents: il ronfle, il bouge trop et j’ai un sommeil très délicat... elle se couche plus tard que moi... Derrière ces affirmations, qu’est-ce qui fait que je m’éloigne de l’autre ou que je l’éloigne de moi ? Le sommeil représente près d’un tiers de nos journées, et le fait d’être côte à côte pendant cette période est très fort. En dormant, on continue à se sentir, à se toucher, à se recharger par la présence de l’autre... S’il n’y a pas de contacts physiques réguliers et prolongés, l’un des deux va finir par en souffrir. Il n’est jamais bon de laisser s’installer dans la vie d’un couple des manques et des tristesses.


La tendresse est-elle quelque chose de spontané, ou cela s'apprend-il ?

La tendresse est plus spontanée chez une personne qui a été cajolée enfant. Et bien sûr le contexte, la qualité de la relation conjugale influent énormément sur l’expression de l’affection. Mais aussi la sensibilité personnelle au toucher, aux paroles ou au temps passé ensemble... Il est indispensable d’apprendre à se connaître pour se comprendre et s’ajuster à l’autre. Mettre en mots ce que l’on est, ce que l’on aime, ce qui nous manque – et pas simplement parler des enfants ou des factures à régler –, est indispensable.

Cela dit, si les besoins mutuels sont exprimés mais pas entendus ou encore s’ils sont verbalisés de façon maladroite ou agressive, la frustration puis la rancœur finissent par s’installer, entraînant tôt ou tard une crise qui peut être profonde. Seule la volonté d’aimer l’autre permet de faire des efforts, de corriger son attitude, de tenir compte de ce qui le blesse. Elle est le carburant du couple.


Tous les couples sont-ils tendres de la même façon? Est-ce une bonne idée d’essayer de s’inspirer d’un couple que l’on apprécie ou que l’on admire ?

Bien sûr qu’il y a des façons différentes de s’exprimer son amour... Tendresse et sexualité sont une création, une œuvre d’art unique propre à chaque couple. Ce qui compte, ce n’est pas ce que font les autres, mais ce que je vis avec mon conjoint, qui comme moi est singulier. Chacun – et chaque couple – a ses gestes, ses codes, ses habitudes.


La tendresse est-elle réservée à l’intimité du couple ?

Non, pas forcément... C’est bien sûr pour une bonne part une question de culture, de contexte, de personnalité. Mais quand je discute avec des conjoints en difficulté, je m’aperçois quand même souvent qu’ils n’ont jamais vu leurs parents s’échanger de marques d’amour.

Un simple geste de tendresse, même en société, est tellement ressourçant... Il peut être très discret, un clin d’œil par exemple. Il signifie : « Tu es toujours unique et premier dans mon cœur. » Ces gestes également sont rassurants pour les enfants, qui perçoivent, même inconsciemment, que oui, leurs parents s’aiment.


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